Caractériser les pièces issues de la fabrication additive

Produire par fabrication additive devient courant et concerne toutes sortes d’applications industrielles. Mais si les procédés sont bien maîtrisés et les résultats probants en termes de réalisation, on ne connaît pas vraiment les propriétés mécaniques des objets fabriqués selon ces méthodes. La caractérisation des pièces obtenues par ajout de matière et la comparaison de leurs propriétés avec celles des objets issus de la fabrication traditionnelle par usinage sont un enjeu sur lequel travaille Philippe Lesage, ingénieur en essais environnementaux à l’UTBM. Les premiers résultats des recherches menées viennent de faire l’objet d’une publication scientifique dans la revue Mechanics Research Communications. 

Une réponse énergétique différente

La fabrication additive connaît un succès grandissant et révolutionne les procédés. Aujourd’hui, grâce à l’impression 3D, à la fusion laser sur lit de poudre et autres méthodes travaillant à partir d’ajout de matière, on sait obtenir les formes les plus complexes, impensables à réaliser de façon traditionnelle, on peut fabriquer à moindre coût des prototypes ou des petites séries, en métal, en résine, en polymère… Mais quelles sont les propriétés des pièces obtenues ? Répondent-elles bien au cahier des charges fixé ? Sont-elles comparables aux qualités des objets produits par usinage ? C’est pour répondre à ces questions que Philippe Lesage, enseignant en résistance des matériaux à l’UTBM et ingénieur en essais environnementaux au sein de l’équipe COMM dirigée par Samuel Gomes au laboratoire ICB1, développe avec ses collègues une méthode d’analyse pour, d’une part caractériser les pièces issues de la fabrication additive, d’autre part les comparer avec des pièces similaires, obtenues par fabrication soustractive. « Même si les objets sont faits du même matériau, si les formes sont identiques et certaines propriétés comparables, les tests montrent que la réponse énergétique des pièces diffère selon le procédé de fabrication. »

La densité du matériau mise en cause ?

L’équipe de Philippe Lesage a mis en évidence que le métal actuellement testé absorbe différemment l’énergie selon qu’il est mis en forme par ajout de matière ou usiné. Les résultats des recherches ont fait l’objet en avril dernier d’une publication dans la revue de référence Mechanics Research Communications, et intéresse largement la communauté scientifique : Philippe Lesage vient par exemple d’être invité au colloque ICMAMS de Turin pour donner une conférence sur le sujet.

Car si les tests physico-chimiques deviennent des opérations de routine pour caractériser les matériaux, les analyses modales qui sont initiées ici, couplées à l’analyse tomographique, et qui donnent des points de comparaison d’ordre mécanique et topologique entre fabrications additive et soustractive, sont les premières du genre. Les essais sont effectués dans un premier temps au marteau de choc et sur banc vibrant à l’UTBM, à partir d’échantillons fabriqués dans les ateliers de l’université. « Il s’agit de mettre les pièces en situation de fonctionnement, de leur imposer des contraintes pendant des cycles très longs, mais sans jamais aller jusqu’au point de rupture, explique Philippe Lesage. On mesure notamment la réponse des pièces en fatigue, et on constate parfois de la casse sur celles issues de la fabrication additive, cela alors même que le point de rupture du matériau n’est pas atteint. » S’il est encore tôt pour identifier les causes de ce phénomène, les chercheurs et ingénieurs soupçonnent cependant qu’un déficit de densité du matériau pourrait constituer une explication. Un objet construit en métal par fabrication additive peut en effet présenter des défauts de porosité, chaque pore, chaque fissure étant susceptibles d’être des lieux d’absorption d’énergie, présentant des avantages ou des inconvénients. Cette piste et d’autres encore seront explorées lors d’une deuxième phase de la recherche. L’objectif est de mettre au point, d’après des modèles numériques nourris par les essais, une méthode de caractérisation qui soit performante non seulement pour le métal, mais aussi pour les autres matériaux habituellement utilisés en fabrication additive.

1 Équipe COMM : Conception, optimisation et Modélisation en Mécanique – Laboratoire ICB : Laboratoire Interdisciplinaire Carnot de Bourgogne

Crédits

Un article de : Catherine Tondu
Crédits photos : UTBM / DR

 

 

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