Chercheur à l’IRTES depuis 2008, Sébastien Roth modélise sur un mannequin numérique qu’il a lui-même conçu, les impacts et les dégâts que peuvent occasionner des tirs, explosions, chutes ou accidents sur le corps humain. Avec des perspectives, à long terme, non de retrouver un coupable mais de contribuer à la conception de systèmes de protection plus efficaces, notamment dans le domaine militaire. L’aventure a commencé en 2011…
Les fans de séries dont les héros appartiennent à la police scientifique et qui effectuent tests physiques, chimiques et numériques pour retrouver l’auteur d’un crime ou d’un délit, seront peut-être surpris d’apprendre que l’un des chercheurs de l’UTBM a fait de sa spécialité ce « type de test ». Après avoir modélisé un corps humain en 3D, Sébastien Roth l’expose à des sollicitations diverses et analyse les dommages subis. Il s’agit, explique le chercheur, « d’observer la réaction du corps et des blessures infligées dans le cas d’explosions, d’impacts balistiques, y compris avec un gilet pare-balles pour vérifier son efficacité, mais aussi, de manière plus annexe, face à des sollicitations civiles de type accidents de voiture, chutes, impacts lors d’une activité sportive , etc. ».
« L’objectif est de créer un outil de prédiction des blessures pour concevoir de manière optimale des systèmes de protection », précise-t-il encore, « des gilets pare-balles aux blindages de structures, en passant par les équipements sportifs ou encore les systèmes de protection de voitures, tels les barres de renfort qui évitent l’encastrement dans le véhicule et les airbags ».
Aux États-Unis, les travaux dans ce domaine occupent pas mal de chercheurs. Mais ici, ils ne sont pas légions. En outre, précise le chercheur, « si des expériences sont faites sur des mannequins physiques ou sur des coupes 2D pas forcément représentatives, en France peu de choses sont faites en modélisation 3D sur des modèles précis et face à des sollicitations militaires ».
« C’est un processus long et d’autres chercheurs prennent 20 ans pour développer des systèmes de protection ! »
S’inspirer de cas réels pour modéliser les impacts de balles et de chutes sur le corps
Ses premiers tests, concentrés pour l’instant essentiellement sur le thorax et l’abdomen, s’appuient sur des cas réels empruntés à la littérature scientifique. Une réplication qui lui permet de « vérifier si les résultats calculés par l’ordinateur sont conformes à ce qui est attendu et si la pression exercé sur le modèle est proche de celle obtenue via des tests physiques ». En bref, pour vérifier si le mannequin virtuel qu’il a modélisé est « bio-fidèle ».
Pour autant, le chemin jusqu’au développement éventuel d’équipements ou de structures de protection reste long à parcourir. « C’est un processus long et d’autres chercheurs prennent 20 ans pour développer des systèmes de protection ! », aime d’ailleurs rappeler Sébastien Roth. Car le développement de l’outil de modélisation de prédiction des blessures ne peut se faire qu’une fois effectuée la modélisation du mannequin, et vérifiée sa « bio-fidélité ».
Du temps pour reproduire le modèle le plus standard possible
Or il a fallu pas moins d’un an et demi pour créer le modèle humain pour qu’il soit « le plus représentatif d’une majorité de la population », précise encore Sébastien Roth. Cela passe par l’analyse de coupes de scanner et de mesures anthropométriques, se poursuit par une étape de maillage numérique en s’appuyant sur des solutions d’équations mécaniques, par l’application de lois de comportement, ou encore la reconstitution de la structure des organes selon leurs propriétés mécaniques. Et, s’amuse le chercheur « un intestin n’a pas la même propriété que du chocolat fondu ou de l’acier ! » et « les propriétés divergent aussi d’un sujet femme à un sujet homme ». Ce qui rend évidemment « extrêmement compliqué d’avoir un modèle standard, sauf à créer un modèle humain par personne, ce qui est infaisable ! ».
La vitesse de reconstruction des différents cas dépend ensuite de la puissance de calcul utilisée. « Il faut un matériel très puissant pour réduire les délais de simulation », note Sébastien Roth. Des délais qu’il a réussit à réduire, mais en partie, « en trouvant des financements pour l’achat d’une machine assez performante et en effectuant des calculs au mésocentre de Franche-Comté basé à Besançon ».
Et puis, parce que toutes les théories numériques ne sont pas adaptées à tous les cas, elles impliquent d’autres recherches en parallèle. Sur ce plan là, Sébastien Roth a d’ailleurs proposé un sujet de thèse qui sera porté par un doctorant dès septembre.
Le(s) laboratoire(s), le chercheur et l'enseignant
Sébastien Roth s’est spécialisé sur la biomécanique des chocs dès sa thèse obtenue à l’université de Strasbourg en 2007. Ses travaux ont été « déclenchés » en 2011 par sa rencontre avec un chercheur du CEDREM, un bureau d’étude basé dans le Loir et Cher, composé d’ingénieurs et de chercheurs multi-disciplinaires, spécialisés dans l’analyse des systèmes complexes soumis à des chargements dynamiques comme les chocs, les impacts, les explosions.
L’originalité de son travail, mené au sein de l’Institut de recherche sur les Transports, l’énergie et la société IRTES-M3M, est qu’il permet de faire intervenir
deux types de connaissances : les sciences de l’ingénieur, notamment la mécanique, et les sciences liées à la médecine : la biomécanique, une double approche d’ailleurs enseignée à l’UTBM par le chercheur.
Utile pour la défense, des fabricants d’équipements sportifs et… de stylos !
Enfin, le chercheur le concède bien volontiers : l’idéal pour accélérer ses travaux serait aujourd’hui de trouver des partenaires professionnels et institutionnels, ce qu’il a « peu le temps de faire » même si celui-ci s’appuie déjà sur des financements obtenus dans le cadre de programmes institutionnels, notamment de la Région Franche-Comté.
Davantage de contrats doctoraux pour s’adjoindre d’autres « têtes pensantes » qui lui permettraient de former ici une équipe seraient également un plus. Car ces recherches « peuvent intéresser pas mal de monde », souligne le chercheur : « de la DGA à Décathlon en passant par Stabilo pour qui l’on peut concevoir des stylos ergonomiques en vue de réduire notamment les troubles musculo-squelettiques ! »
Crédits
Un article de Camille PonsCrédits photos : UTBM / DR