Une équipe de chercheurs de l’IRTES de l’UTBM participe à la création d’un « serious game » pour prévenir l’apparition des troubles musculo-squelettiques en entreprise. PSA et Audemars Piguet sont partenaires de ce projet franco-suisse qui commence en octobre 2016 pour terminer fin 2018.
C’est un petit acronyme de trois lettres mais dont les effets sont impitoyables dans le monde du travail et de l’entreprise : TMS pour « troubles musculo-squelettiques ». « Il s’agit de la principale maladie professionnelle déclarée dans l’Union européenne, représentant dès lors un problème réel de santé publique auquel les travailleurs européens se trouvent confrontés . Les TMS sont un ensemble de maladies inflammatoires et dégénératives liées à l’hypersollicitation de l’appareil locomoteur », décrypte Jean-Claude Sagot, professeur des universités et responsable de l’équipe de recherche en ergonomie et conception des systèmes au sein de l’IRTES.
Avec deux enseignants chercheurs, Bernard Mignot et Moshen Zaré, il participe à un vaste projet franco-suisse dans le cadre du programme Interreg (voir encadré). L’objectif est de créer d’ici 2018 un prototype de « serious game » (littéralement « jeu sérieux » en français) à destination des entreprises et de leurs opérateurs pour les sensibiliser, à travers le jeu, sur les bonnes pratiques et les bons gestes au travail afin de prévenir la survenue de TMS. « Un peu comme avec le code de la route, on peut imaginer que l’opérateur a devant lui son poste de travail virtuel. Il est évalué sur sa gestuelle, comme emboîter plusieurs éléments sur un support par exemple. En fonction de son score, il peut voir concrètement ses gestes et postures à risque en terme d’astreinte musculo-squelettique et recommencer en vue d’un score meilleur, donc d’une meilleure gestuelle sauvegardant ainsi sa santé », image le professeur.
Mesure la charge et de la pénibilité physiques en entreprise
La tâche qui incombe aux chercheurs de l’UTBM consiste à récolter un maximum de données en entreprise, à partir de postes de travail. A partir du 1er octobre, ils se rendront chez les partenaires et, en lien avec la médecine du travail, mesureront en continu les gestes et les postures des opérateurs sur des postes pilotes, réputés sources de TMS. Ils les quantifieront ensuite de manière scientifique. « Nous plaçons un certain nombre de capteurs, d’appareils non invasifs, sur et autour de l’opérateur afin d’évaluer les efforts musculaires et les angles articulaires. Le but est d’obtenir une cinématique du mouvement, d’analyser précisément comment la main se déplace par rapport à l’avant-bras par exemple, sachant que 98% des TMS touchent les membres supérieurs et parmi ces 98% relevant des affections peri-articulaires, la moitié concernent le poignet », explique Jean-Claude Sagot.
Nombreuses sont les entreprises qui se sont montrées intéressées par ce serious game innovant : Audemars Piguet dans l’horlogerie ou bien le pôle véhicule du futur ou encore PSA « dont un cadre parisien est venu prendre directement connaissance du projet sur le site ». Preuve s’il en est de l’enjeu économique et social que représentent les TMS : « Aujourd’hui, n’importe qui peut être touché par un problème de canal carpien ou de tendinopathie du coude ou de l’épaule, jeunes ou moins jeunes. L’âge de la retraite étant amené à reculer, les entreprises sont amenées à se soucier de ce problème dont les impacts humain, socioprofessionnel, économique sont réels ».
Le but du projet est ainsi d’aider les entreprises à mieux concevoir leurs situations de travail de demain avec l’aide du savoir et savoir faire des opérateurs et à travers une meilleure intégration de leurs capacités et limites, tient à souligner Jean-Claude Sagot. Car en effet : «La source des TMS est bien multifactorielle : elle relève à la fois de l’organisation du travail, de la biomécanique et de critères plus personnels comme les capacités et les limites de chacun. Le serious game doit permettre aux opérateurs de mieux connaître leurs limites et de ne pas aller au-delà de leurs capacités car c’est à ce moment là que surviennent les douleurs, les blessures », explique le professeur. L’équipe franco-suisse espère sortir une première version du jeu en 2018. Elle pourra ensuite se décliner dans d’autres versions en fonction des besoins et de l’intérêt des acteurs des différents secteurs économiques. « Nous bâtissons les fondations. Le but est que d’autres maisons puissent aussi se construire », conclut le chef de file de l’équipe française.
Interreg, un bel exemple de coopération franco-suisse
Ce projet de serious game, partie prenante du programme Interreg V France-Suisse 2014-2020, réunit une équipe d’universitaires et d’entreprises français et suisses. Côté français, l’UTBM travaille en lien avec les sociétés Shine Research à Besançon et Decryptis à Mulhouse. Decryptis développe les contacts avec les partenaires industriels tandis que Shine Research planche sur le volet informatique. Côté suisse, la Haute école Arc de Neuchâtel et l’entreprise Witchlake à Peseux vont respectivement recueillir les données de l’UTBM et développer le serious game tant du point de vue informatique qu’auprès des industriels.
Côté français, le coût s’élève à 443.718 €, dont 266.230 € financés par le FEDER (fonds européen de développement régional). Côté suisse, le projet, d’un montant de 396.000 € est lui financé à hauteur de 150.000 CHF par des fonds fédéraux et 195.000 CHF par des fonds cantonaux.
A noter que l’UTBM avait déjà participé à un projet dans le cadre du programme Interreg en 2005-2007. « Il s’agissait de concevoir du mobilier urbain en conciliant design et ergonomie. Nous avions u concevoir un nouveau produit : un abri TER avec et pour la SNCF. Une cinquantaine ont été fabriqués et mis en service », rappelle Jean-Claude Sagot.
Crédits
Un article de : Eléonore TournierCrédits photos : UTBM/DR