Michèle Bodo et HUByx : l’amour vache

Chutes, tirs, explosions : Michèle Bodo, doctorante à l’IRTES, en fait voir de toutes les couleurs au mannequin numérique HUByx. Grâce à lui, elle étudie la résistance du corps humain. Le but : optimiser les systèmes de protection dans le domaine civil et militaire.

Enfant, Michèle Bodo voulait devenir médecin. Aujourd’hui âgée de 23 ans, la jeune femme originaire de Bangui en Centrafrique, a pris une autre voie, mais pas si éloignée finalement de ses rêves de gosse : la biomécanique. Diplômée en ingénierie mécanique en 2014, la doctorante en 2e année de thèse (1) au sein du laboratoire Mécatronique-Modèles, Méthodes et Métiers (M3M) de l’ IRTES, étudie, à sa façon, la résistance du corps humain. Pas de blouse blanche ni de bistouri : le patient est un mannequin numérique baptisé HUByx (voir encadré) et les « opérations » se font en 3D dans son bureau à l’UTBM.
Devant son écran, Michèle Bodo étudie l’impact d’explosions, de projectiles et de chutes sans élan uniquement sur la partie thoracique d’HUByx. « Le thorax, qui comprend le cœur les poumons ou encore l’estomac, est l’une des zones les plus touchées lors d’accidents de voitures ou d’explosions », précise la jeune femme. Le principe est simple : dans les trois cas, elle récupère des données cliniques ou statistiques qu’elle « répercute » sur HUByx pour observer et analyser ses réactions. Pour les chutes par exemple, la doctorante a recueilli des données de centaines de patients transmises par le Centre hospitalier de Belfort Montbéliard. Âge, sexe, hauteur de chute, description des circonstances, lésions… : Michèle a modélisé numériquement 25 cas suffisamment renseignés et qui correspondaient aux critères de recherche. Au bout de longs mois, les premiers résultats sont tombés : « J’ai constaté qu’en dessous de cinq mètres, la hauteur de chute n’est pas un facteur déterminant de lésions pulmonaires. A trois mètres, nous avons montré que c’est la position du corps qui détermine le type de blessures ». Des résultats qui seront publiés dans le journal of Mechanics in Medicine and Biology et que Michèle Bodo présentera à Hangzhou en Chine du 1er au 4 août prochain lors de l’international conference on biomedical, engineering  and biotechnology.

Gilets par balles et blindage des véhicules

Deuxième volet de sa thèse : la balistique. En ce moment, la chercheuse analyse les dommages sur le corps humain de balles de flashball. « Le but est double : établir les vitesses sûres pour ne pas engendrer de blessures et déterminer à quel genre de blessures le corps est exposé en fonction de la distance et de la vitesse de tir ». Pour ce faire, Michèle Bodo s’appuie sur les données de l’école royale militaire de Belgique qui réalise des tirs réels sur des murs rigides. « Comme pour les chutes, on modélise ces données. On valide d’abord le comportement du projectile (s’il se déforme par exemple), puis la déformation du sternum : les contraintes dans les côtes et la pression dans les poumons notamment ». Les résultats de l’étude ne sont pas encore connus, mais s’annoncent prometteurs pour des applications concrètes dans le domaine civil ou militaire : « pour la fabrication des armes, le choix des matériaux pour les projectiles et la protection des soldats comme la conception des gilets par balles ».
Idem pour le blindage des véhicules de guerre en cas d’explosion, le troisième et dernier type de situation sur lequel planche la doctorante. Le but est de déterminer « le point critique de la surpression des organes ». Pour l’instant, Michèle Bodo se base sur les données d’un chercheur américain mais aimerait mettre en place un partenariat avec le monde de la Défense pour obtenir davantage de données. Ce qui n’est pas une mince affaire. « Les informations sont souvent difficiles à obtenir », constate-t-elle.

A un an et demi de la fin de sa thèse, la jeune femme souhaite également étoffer ses données sur les chutes et poursuivre ses observations à différentes hauteurs. Le champ des possibles est encore immense. « Le corps humain est une machine complexe et intéressante. Les réactions varient d’un individu à l’autre selon l’âge ou le sexe. La modélisation numérique reste toujours une approximation. On a toujours envie d’améliorer, de chercher d’autres modèles pour une biofidélite parfaite ». Celle qui hésitait autrefois entre l’industrie et la recherche est désormais certaine d’avoir trouvé sa voie. La recherche, « pour aller au bout des choses », dit-elle.

(1)« Contribution au développement et à l’amélioration d’un mannequin numérique du corps humain biofidèle HUByx, par des méthodes numériques pour des applications d’impact » sous la direction de Sébastien Roth, maître de conférence HDR et chercheur à l’IRTES.

Qui es-tu HUByx ?

Explosions, chutes, tirs… Il en voit de toutes les couleurs mais encaisse sans broncher et se tient toujours prêt à recommencer. HUByx pour « hermaphrodite universal biomecanics yx model » est un adulte numérique, entre 18 et 65 ans, fruit d’un mélange complexe et rigoureux de données mathématiques et de coupes de scanners d’êtres humains. HUByx -« HUB » pour les intimes- est né de la collaboration entre Sébastien Roth, chercheur à l’IRTES, directeur de thèse de Michèle Bodo, et le CEDREM (centre d’expertise en dynamique rapide explosion et multiphysique). Intégrant une multitude de données, HUByx se veut biofidèle c’est à dire que ses réactions sont aussi proches que possible de celles de l’être humain. Prouesse technique : il répond aux trois types de sollicitations (explosions, chutes, tirs), « alors que dans la plupart des cas, un mannequin différent est utilisé pour chaque type d’impact », précise Michèle Bodo.


Crédits

Un article de : Eléonore Tournier
Crédits photos : UTBM
  

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