Côté cour – Cause toujours
Au lycée, elle aimait la philo et elle était scoute. Agathe Rocher a pourtant décroché un bac S avant de se lancer dans des études d’ingénieur à l’Université de technologie de Belfort-Montbéliard. Alors qu’est-ce qui anime cette étudiante qui aime tout autant se pencher sur les questions de l’existence que s’engager pour les autres comme pour son établissement ? Ne jamais s’ennuyer…
Elle sourit. Souvent. Qu’elle parle d’elle, de son parcours, de ce qu’elle aimerait faire, de son engagement chez les scouts ou encore dans la vie associative de son établissement, de son récent séjour humanitaire au Togo, des voyages qu’elle a faits avec ses parents… Agathe Rocher est étudiante en troisième année – première année de branche – à l’UTBM. Elle est arrivée en septembre 2015, de région parisienne, pour intégrer le tronc commun de la formation d’ingénieur et vient de rentrer en branche Ingénierie et management des systèmes industriels (IMSI). Une spécialité à forte consonance industrielle, comme son nom l’indique, alors qu’au départ ce qu’il la « branchait », c’était le département Ergonomie, design et ingénierie mécanique (EDIM), qui, comme son nom l’indique aussi, invite plutôt les étudiants à se pencher sur l’objet, sa préhension, sa praticité, son esthétique… plutôt que sur les lignes de production, les opérations d’usinage et les conditions de travail en usine. Pas tout à fait la même chose. Pas tout à fait la même chose non plus que d’aimer comprendre le monde, se pencher sur la réflexion des êtres, les valeurs, le rôle de l’Homme dans l’univers, ce qui le guide… Car, trois ans auparavant, lorsqu’elle était en terminale, c’est pour la philosophie qu’elle en pinçait ! Amour toujours d’actualité d’ailleurs.
Le parcours paraît curieux mais il ne l’est pas tant que ça. Car Agathe Rocher dit vouloir avant tout « ne pas [s’]ennuyer ». Et pour elle, la formation d’ingénieur, et celle-ci en particulier, constitue à ce titre un bon choix. Pourquoi ? « Parce que lorsque l’on est ingénieur, on peut faire de tout, être polyvalent. Et parce qu’à l’UTBM, le choix des matières est hyper large : on a des matières scientifiques mais aussi beaucoup de culture générale, de l’histoire, de la sociologie, des langues… Et je trouve ça sain de faire de tout ! » Sourire encore. L’histoire de l’industrie contemporaine racontée par Pierre Lamard[1], par exemple, elle trouve ça « passionnant ». « Des fois, je me demande ce que je fais en école d’ingénieur ! », plaisante-t-elle. « Car j’aime beaucoup la culture générale. »
L’amour de la philo pour la connaissance de l’autre
Mais dans ce domaine ce qui lui plaît le plus, c’est toujours la philo. Et elle se voit bien, pourquoi pas, compléter sa formation par un master, en philo ou en psycho, « pour voir comment les gens fonctionnent ». Utile de toute façon, observe la jeune femme, « puisque je vais être amenée à manager des gens et qu’il faut un minimum de connaissance de l’autre pour manager une équipe ».
« Alexandre Lacroix dit que tout le monde peut parler de l’amour, de la poésie… On peut tous être philosophes ! Je suis curieuse et j’aime bien les questions existentielles »
C’est aussi cette envie d’ « ouverture » qui l’avait amenée à passer un bac S au lycée Notre-Dame Les Oiseaux, à Verneuil-sur-Seine dans les Yvelines. « Parce que ça ouvrait des portes », assure la jeune femme. « Et je me cherchais depuis le collège. En 3e, j’avais d’ailleurs réalisé mon stage d’observation dans une pharmacie, parce qu’à ce moment là je voulais devenir pharmacienne. » Et c’est dans le même esprit qu’elle a fait aussi de la philo en allemand, dans le cadre d’une classe européenne. « Alexandre Lacroix[2] dit que tout le monde peut parler de l’amour, de la poésie… On peut tous être philosophes ! Je suis curieuse et j’aime bien les questions existentielles. » Et la philo, c’est aussi peser les pour et les contre. Une posture qu’elle aime bien prendre d’ailleurs dans le cadre personnel pour que « le débat soit plus piquant ».
« Faire de son mieux » comme chez les scouts
Elle continue de « chercher » même après s’être décidée pour des études d’ingénieur. « Au tout départ, je voulais faire génie biologique à l’UTC*[3] », s’amuse-t-elle. « En plus c’était moins loin de chez moi ! Et puis je suis arrivée ici dans l’idée de faire la spécialité EDIM. J’ai beaucoup parlé avec les ‘anciens’ et j’ai opté pour la branche industrielle. » Parce que si l’étudiante aime la philo, elle aime aussi « le côté concret » ! Avant d’intégrer cette branche, Agathe Rocher a donc multiplié les UV qui lui ont permis de découvrir l’usinage, la qualité, la logistique… Ce qu’elle aime, c’est s’essayer aux machines de roulage, utiliser la cisailleuse, créer des pièces avec l’imprimante 3D ou encore avec une machine de pliage, ce qui lui a permis de réaliser en TP une pièce pour un moteur Stirling[4]… « Le concret me plaît », répète-t-elle à l’envi. « Nous avons 4 heures de TP qui passent très vite[5], il faut optimiser le temps et ça aussi ça me plaît ! D’ailleurs, aux scouts lorsque j’étais Jeannette, le mot d’ordre c’était ‘faire de son mieux’. »
Son expérience de scout semble avoir d’ailleurs contribué à modeler pas mal de ses traits de caractère. Et elle aime en parler. Du statut de Jeannette chez les Scouts unitaires de France entre 8 et 12 ans, elle passe Guide en 4e avant de devenir Cheftaine de Louveteaux à 17 ans et d’encadrer les plus petits. L’activité l’a occupée jusqu’en 2016. Elle ne s’en est pas lassée – d’ailleurs elle a encore fait un camp cet été – mais « c’était trop loin et cela devenait trop compliqué », confie la jeune femme. Reste que l’expérience l’a marquée. Elle y a aimé le contact avec la nature, le fait de « couper avec le rythme des cours » et surtout y « vivre des moments forts ». Car les scouts, raconte-t-elle, c’est avant tout « l’esprit de groupe ». Et puis aussi « vivre sa foi ». Car Agathe n’a pas peur d’affirmer haut et fort qu’elle est croyante. « Le soir, autour du feu, nous faisions des intentions de prière, des chants… C’était juste beau », se souvient-elle. « Même un non-croyant pourrait être croyant dans ces moments là (rires). » Enfin, il y avait le « dépassement de soi ». Parce que les activités sont physiques, que l’on y pratique du sport. Bref, résume-t-elle, « il faut aller au-delà de ses petites habitudes et de son caractère car il faut vivre en équipe ». Et c’est cette expérience qui lui a permis d’être chef d’équipe à un âge, 17 ans, « où l’on ne te donne jamais de responsabilités. Ça fait mûrir… ».
Investie dans la vie de l’établissement
Responsabilités qu’elle n’a donc pas peur d’assumer en dehors des cours en s’investissant dans l’associatif ou l’événementiel de l’UTBM. Membre du bureau de sa promo depuis l’an passé, elle a contribué à l’organisation du dernier Festiv’UT, notamment à la gestion des partenariats. Elle avait déjà, l’année précédente, pris en charge la communication du Gala. « La première année, on s’investit rarement. Moi, ce sont les anciens qui m’ont donné envie. Ils avaient l’air épanouis », raconte-t-elle. « Et c’était un moyen de connaître d’autres gens et de ne pas être toujours avec les mêmes personnes. »
L’associatif, c’est aussi, analyse la jeune femme, un bon moyen d’ « apprendre à travailler, à s’organiser, à gérer une réunion, à travailler en équipe, à respecter des deadlines ». « On apprend notre métier », résume-t-elle. « D’autant que l’on bosse avec des gens forts en technique, en communication, en logistique… Car la formation d’ingénieur est complète. Et puis, j’ai besoin de faire tout le temps des choses, sinon je m’ennuierais ! »
Ses projets professionnels ? S’orienter dans la logistique, faire de l’amélioration continue. « Pour améliorer les conditions de travail dans l’industrie », explicite-t-elle. « Donner un peu de dimension humaine. J’ai envie de rentrer chez moi en me disant que j’ai fait quelque chose d’utile. »
Côté jardin – Scoute toujours
Une passion ? Le scoutisme. J’en ai fait de 8 ans à 20 ans. Et son esprit humanitaire.
Le séjour que j’ai effectué en janvier 2017 avec mon compagnon au Togo, avec l’association Horizon Nouveau Togo, s’inscrit dans ces valeurs. C’est l’esprit humanitaire des scouts. Nous avions collecté 20 kg de fournitures scolaires mais, hélas, nous n’avons pas pu intégralement les amener là-bas. Nous faisions du soutien scolaire. Il y avait 100 élèves avec trois professeurs. Le matin, je m’occupais des CE1 et CE2. Je les prenais par groupes de 4 pour approfondir le français, l’écrit et l’oral. Et surtout la lecture au début. Même si c’était parfois un peu compliqué de se positionner, j’ai adoré ma mission. C’est génial de s’occuper d’enfants ! Et je me suis rendue compte que nous étions très très gâtés. Ici, on nous apporte tout.
« Je réfléchis à faire un service civique durant le cursus, dans le cadre de l’UV qui permet d’effectuer une période de césure de 6 à 12 mois pour réaliser, par exemple, un projet solidaire »
Vous envisagez d’autres missions humanitaires ? Peut-être d’une autre manière, car j’avais un peu l’impression de les recoloniser. Avant de pouvoir les aider, il faut d’abord comprendre de quoi ils ont besoin et comment ils fonctionnent. Et beaucoup d’associations gérées sur place sont une arnaque. Si je le retentais l’expérience, ce serait certainement en France. Et je réfléchis à faire un service civique durant le cursus, dans le cadre de l’UV qui permet d’effectuer une période de césure de 6 à 12 mois pour réaliser, par exemple, un projet solidaire.
D’autres centres d’intérêt ? Voyager. J’ai beaucoup voyagé avec mes parents, au Mali, en Ukraine, au Maroc, en Tunisie, en Hongrie, à Chicago… Ces voyages m’ont beaucoup marquée car j’y ai découvert différentes manières de vivre. J’ai continué ensuite : je suis allée à Dublin et en Allemagne, à Berlin et au Nord de Francfort, et j’aimerais aller au Portugal. Les voyages contribuent à ouvrir l’esprit. Ce qui est vraiment top pour mon futur métier d’ingénieur ! Et j’essaie de continuer à lire des essais philosophiques même si je n’ai plus trop le temps. J’aime les travaux de Freud autour de la psychanalyse, du rêve, et Voltaire car c’était un rentre-dedans !
Crédits
Un article de : Camille PonsCrédits photos : Etienne Kopp
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[1] . Professeur des universités, directeur du département Humanités et du laboratoire RÉCITS (Recherches et études sur le changement industriel, technologique et sociétal)
[2] . Écrivain, essayiste et journaliste français
[3] . Université technologique de Compiègne
[4] . Moteur à énergie externe
[5] . Dans l’usine pilote de l’UTBM, située sur le site de Belfort, qui recrée les conditions d’une ligne de fabrication