Côté cour – Du terrain à la classe
Pierre Guenebaut est directeur de l’école Sbarro et enseignant-chercheur en gestion des ressources humaines et management. Au-delà des connaissances tirées de la littérature, cet enseignant transmet aussi aux étudiants de l’UTBM des pratiques qu’il a éprouvées lorsqu’il était cadre chez PSA Peugeot Citroën. Depuis 2009, il swingue, comme au golf l’un de ses hobbies, entre le partage d’expérience et sa passion de l’automobile qui ne l’a jamais quittée.
Il aime bien dire qu’il a « bourlingué dans l’entreprise ». Durant pas moins de 30 ans. Pierre Guenebaut est un ancien du groupe automobile PSA Peugeot Citroën. Aujourd’hui c’est le directeur de l’école ESPERA Sbarro et un enseignant-chercheur spécialisé dans la gestion des ressources humaines et le management à l’UTBM. Si l’homme a attaqué un virage dans sa carrière et troqué le monde du « terrain » pour celui de la formation, il n’a pas pour autant changé de dimension. Ça tombe bien pour un homme qui dit être « amoureux de l’automobile ». Car le nouvel univers dans lequel il évolue lui permet de « continuer à assouvir cette passion ». Aussi bien au travers des futurs ingénieurs de l’UTBM, qu’il initie à la gestion des ressources humaines et au management, qu’au travers des stagiaires de l’école Sbarro formés durant un an aux techniques de l’automobile, formation qui va jusqu’à la fabrication de prototypes roulants présentés chaque année au salon de Genève.
Pierre Guenebaut a posé ses valises à l’université en septembre 2009, après trois décennies de bons et loyaux services rendus à PSA Peugeot Citroën. Il a principalement exercé dans le domaine des ressources humaines (RH)* et au poste de DRH, sur différents sites. D’abord à Peugeot Motocycles*, ensuite sur le site de production automobile de Mulhouse où évoluaient quelque 12 000 employés, et enfin sur le site de production et de développement de Sochaux, qui comptait 15 000 personnes dont 250 concentrées dans sa direction. Entré à l’UTBM pour y donner des cours, Pierre Guenebaut récupérera, dès le mois de février 2010, la direction de l’école Sbarro, intégrée deux mois plus tôt, en décembre 2009, à l’établissement.
Le poids du vécu
« Je pensais finir ma vie professionnelle à PSA », raconte l’homme. « J’ai eu cette opportunité de travailler à l’UTBM qui cherchait à l’époque un enseignant qui avait exactement mon profil. Et je me suis dit ‘pourquoi pas’ ? » Motivation numéro 1 ? « C’était une occasion de découvrir autre chose », livre l’enseignant qui a refusé, pour ce faire, la direction des ressources humaines de l’ensemble des sites industriels français qu’on lui proposait alors chez PSA. « À PSA, j’étais sur un champ d’acquis. Ici, je redémarrais un peu à zéro. » Motivation numéro 2 ? « J’ai toujours aimé transmettre des savoirs et des pratiques », s’enthousiasme l’enseignant qui avait déjà eu l’occasion de se frotter à l’expérience de formateur et d’apprécier cette forme « d’échange » au travers d’actions de formation qu’il avait menées, au début des années 80, auprès des cadres de PSA. « Et pour de futurs ingénieurs, il est intéressant qu’on ne leur parle pas uniquement des RH d’un point de vue livresque mais qu’on leur présente aussi les pratiques », poursuit-il. « Ma plus-value, c’est mon expérience, l’éclairage pratique que je leur donne : »voilà ce qui vous attend dans l’entreprise parce que j’ai vécu l’entreprise ». »
J’ai toujours aimé transmettre des savoirs et des pratiques. Et pour de futurs ingénieurs, c’est intéressant qu’on ne leur parle pas uniquement des RH d’un point de vue livresque mais qu’on leur présente aussi les pratiques
Aujourd’hui, Pierre Guenebaut est responsable de quatre UV de culture générale, des enseignements directement en lien avec son expérience, et qui dépendent du département des Humanités : l’UV Gestion des ressources humaines qui lui permet d’aborder la vie du contrat de travail dans l’entreprise ; l’UV Santé et sécurité au travail dans laquelle il aborde les accidents, l’évaluation et la prévention des risques et les responsabilités qui en découlent, « une préoccupation qui relève du quotidien dans une entreprise, notamment quand elle a une activité industrielle qui comporte des risques d’accident », observe l’enseignant ; l’UV Communication globale du manager, dans laquelle il passe notamment en revue la communication, la conduite de réunions et d’entretiens et le management d’équipe ; et une UV d’initiation au management des ressources humaines dédiée aux étudiants de première année, qui constitue, explique-t-il, « l’occasion d’une première découverte de l’entreprise ».
Des enseignements importants selon lui, dans la mesure où « les ingénieurs seront à 80 % des managers ». « Ces derniers auront des équipes à manager et à motiver, à se préoccuper de la santé de ces personnels, etc. ». Et son expérience est un plus car elle est riche d’anecdotes. Accidents, enjeux humains et économiques, risques juridiques sont ainsi étayés de « vrais exemples ».
Différents publics : différentes approches d’un même sujet
Pierre Guenebaut est responsable aussi, dans le cadre de la formation continue, du DU Gestion des ressources humaines. DU qui s’adresse, non plus à des ingénieurs, mais à des professionnels des RH qui souhaitent se perfectionner dans ce domaine. Ce double public lui permet d’aborder les ressources humaines avec deux approches différentes. L’entretien de recrutement, par exemple, est présenté pour les étudiants en formation initiale « sous l’angle du recruté » et « les erreurs à ne pas commettre en entretien », précise Pierre Guenebaut. Pour les professionnels, la formation se penche en revanche « sous l’angle du recruteur » ou « comment faire pour recruter les meilleurs ? ».
À côté, Pierre Guenebaut assure aussi évidemment toutes les tâches inhérentes à sa fonction de directeur de l’école Sbarro : la gestion et l’animation d’équipe, la gestion du budget, des relations extérieures et la recherche de projets communs entre la formation d’ingénieur et celle de l’école Sbarro. Le prochain projet pourrait bien se concrétiser par la conception d’un véhicule équipé d’une pile à combustible, donc fonctionnant à l’hydrogène. Pour Pierre Guenebaut, ces partenariats entre filières de formation sont primordiaux et « gagnants-gagnants » puisqu’ils permettent de mettre les compétences et connaissances des uns et des autres au service d’un même projet concret.
De l’industrie automobile à l’univers de l’enseignement, l’homme a ainsi vu son quotidien transformé. Aujourd’hui, ce qu’il en retient surtout c’est « le plaisir de partager avec [s]es étudiants ». « Ça n’est que du bonheur », se réjouit l’ancien DRH. « Parce que ce sont de bons étudiants. Parce qu’ils savent pourquoi ils sont là. Parce que je prends beaucoup de plaisir à partager avec eux et qu’ils sont très attachants ! » Si les cours sont apparemment très « interactifs », l’après-cours l’est souvent aussi. « Quand je fais ma leçon sur le recrutement, le lendemain j’ai 10 à 15 CV qu’ils me demandent de corriger. C’est redoutable ! », s’amuse encore l’enseignant. « Mais c’est aussi une reconnaissance qu’il faut savoir apprécier… » Et, assure-t-il, c’est aussi ça qui fait que, chaque matin, il se « lève avec plaisir pour venir enseigner ».
* Exercice auquel s’ajoutent six années en production à la direction d’une unité de soudure
* Devenu Peugeot scooters
Côté jardin – L’heure du swing
Des passions ? J’aime le golf. Cela fait 35 ans que j’en fais. On ne joue que contre soi et on peut créer l’illusion : un jour, j’ai fait mieux sur un trou en jouant avec le cinquième joueur européen ! Or, il n’y avait bien sûr aucune comparaison possible entre mon niveau et le sien. Au tennis, si vous faites un set contre Nadal, vous n’avez aucune chance ! Et en plus, on évolue dans un bel univers, ce qui est la cerise sur le gâteau.
Vous y jouez souvent ? À un moment, je jouais tous les week-ends et j’étais un acharné des compétitions. J’en faisais une vingtaine par an. Il fallait trouver un juste équilibre avec ma vie de couple et c’était un peu compliqué !
Quand je travaille sur mes horloges ou les Illustrations, je peux méditer, réfléchir. C’est un véritable retour sur soi
D’autres passions ? Les sports de nature, essentiellement en montagne. J’aime la randonnée, en famille et avec les amis, les hauts sommets et les glaciers. J’aime bien les défis ! J’adore aussi restaurer les horloges. J’en ai une quarantaine chez moi. J’ai acquis la première en 1985, à l’occasion de journées portes ouvertes de l’Épée* : une petite pendulette d’officier de 7 cm de haut, de la collection Ovale. Au début, je me contentais de les acheter. Puis je me suis dit « pourquoi ne pas les démonter… et les remonter ? » J’ai des pendules Empire à colonnes, des pendules portique avec pieds et grands balanciers et une belle pendulette d’officier de l’édition limitée faite à l’occasion du mariage de Lady Di ! J’ai toujours été amoureux des horloges anciennes, des mouvements de l’horlogerie. Un tic-tac est plus riche qu’un mouvement à quartz. Le côté répétitif est magique. Et ça m’a fendu le cœur quand l’usine l’Épée a fermé. Sur les 40 horloges que j’ai acquises, une vingtaine provient de cette usine. Et j’aime aussi la reliure. Il faut un peu le même état d’esprit et être minutieux. J’aime les objets anciens. J’ai d’ailleurs aussi acquis tous les numéros de la revue l’Illustration de 1843 à 1955* et je restaure les reliures. Cela représente 250 volumes, 200 000 pages et 2 tonnes de livres ! Il m’a fallu 10 ans pour tout rassembler.
Que recherchez-vous dans ces activités ? Dans la balade, c’est le côté convivial que j’aime particulièrement, partager avec mes amis. Pour le reste, je suis bricoleur, et j’ai une préférence pour le travail du bois. Je passe parfois une journée entière, sans m’arrêter, à nettoyer mes horloges et à les restaurer. Mais je peux rester trois mois sans y toucher. Quand je travaille sur mes horloges ou les Illustrations, je peux méditer, réfléchir. C’est un véritable retour sur soi.
* Située à Saint-Suzanne, dans le Pays de Montbéliard, la manufacture, d’abord spécialisée dans les boîtes à musique, a fabriqué des horloges jusqu’à sa fermeture en septembre 1996
* Après une interruption de parution en 1944, le magazine hebdomadaire a repris de 1945 à 1955 sous le nom de France Illustration