Côté cour – Sous bonne pression
Elle « joue » avec le plasma, ce gaz ionisé et électriquement conducteur obtenu par chauffage, et qui donne lieu à de magnifiques filets lumineux qui transporteraient les plus rêveurs d’entre nous au beau milieu de la Guerre des étoiles et de ses immortels héros aux sabres-lasers. Elle se sert de ce procédé pour fabriquer, sur la base de poudres, des revêtements de surface extrêmement résistants. De là à lui souffler « Que la force soit avec toi ! », il n’y a qu’un pas…
La résistance des matériaux est en effet au cœur des travaux que mène Béatrice Vautherin au sein de l’IRTES-LERMPS (Laboratoire d’études et de recherches sur les matériaux, les procédés et les surfaces). Doctorante à l’UTBM, elle vient tout juste d’achever son projet de recherche. Certes, utiliser la projection plasma pour créer des revêtements résistants n’est pas nouveau. Mais ses recherches se font sur un procédé émergent, la projection plasma sous très basse pression et non à pression atmosphérique, la technique la plus ancienne, en utilisant comme gaz l’azote plutôt que l’argon plus couramment employé, et en alliant les poudres de deux métaux différents, l’aluminium et le titane, pour créer des dépôts de céramique d’épaisseurs variables. La finalité de ses travaux ? Vérifier si, par ce procédé et l’usage de l’azote, il est possible de fabriquer des dépôts céramiques et si les revêtements ainsi produits peuvent être encore plus résistants aux températures extrêmes, aux frottements ou encore à l’oxydation, ennemis n°1, 2 et 3 des matériaux.
Les enjeux industriels se devinent aisément. Oui, mais pas tous. Fabriquer des pièces surtout de taille conséquente et extrêmement résistantes d’un point de vue mécanique et quelque soit l’environnement chimique auquel elles sont confrontées, cela intéresse évidemment l’automobile, l’aéronautique, le ferroviaire, le militaire, le nucléaire… Mais des revêtements à base de céramique ? Pourtant, Béatrice Vautherin s’en amuse, « la céramique, il y en a partout ! » Partout ? Devinons : les carrelages, par exemple, donc utilisés pour les salles de bains, les cuisines, les toilettes… Mais encore ? « Dans le biomédical, pour les prothèses dentaires, par exemple, mais aussi de hanches, de genoux... Pour la bijouterie, les cadrans de verre de montres high tech car les céramiques ont des propriétés anti-rayures et anti-traces », énumère la doctorante. « Dans l’industrie automobile et ferroviaire, ou encore l’aéronautique parce que ces matériaux sont isolants thermiquement et électriquement et résistants aux hautes températures d’utilisation. Ils sont utilisés par exemple sur des trains d’atterrissage… » Bref, les applications sont vastes : des freins et embrayages de moteurs électriques aux prothèses médicales, en passant par des segments de voitures ou camions.
Entre expérimentations et analyses
Ce domaine de recherche, les matériaux et traitements de surface, qu’elle « emporte » dans son futur job de « maître d’ouvrage » au sein d’une société mulhousienne, elle n’y est pas tombée par hasard. « Un coup de foudre que je ne m’explique pas », confie-t-elle. Ce sont ces premières années de fac, en DUT Mesures physiques, et son stage effectué chez ArcelorMittal durant lequel elle travaille sur des aciers extrêmement fins, qui lui « confirment » sa voie. « C’est pendant ce stage, où je faisais du contrôle qualité, que j’ai pris conscience de l’importance des matériaux dans la vie de tous les jours. » Et, poursuit-elle avec entrain, « c’est aussi le résultat de profs passionnés qui arrivent à transmettre cette passion ! ».
La plupart de ses expériences relèveront du domaine. Avec un stage « déterminant », celui effectué durant sa 2e année à l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Limoges (ENSIL), à Tokyo au NIMS (National Institute for Materials Science), un institut de recherche spécialisé sur les matériaux. « Ça me plaisait et j’aimais l’esprit de la recherche ». Elle fera donc de la recherche. D’où le choix, en dernière année d’école d’ingé, de prendre l’option master R&D en spécialité matériaux céramique et procédés de surface. Et d’aller travailler durant son dernier stage sur la projection flamme hypersonique, pour l’aéronautique, à Bodycote.
C’est aussi ce qui l’a ramenée ici, dans son territoire d’origine – elle est née au pied du Haut-Doubs, à Pont-de-Roide -, et à l’UTBM, après avoir aligné depuis 2005 un bac S spécialité physique-chimie et un DUT obtenus à Montbéliard, une licence pro suivie à l’IUT de chimie de Besançon et un diplôme d’ingénieur décroché en 2011 à Limoges. Parce qu’elle y a trouvé le sujet qui l’intéressait, qu’elle a réalisé pour le compte du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives)1.
La motivation, le grand vide puis le déclic…
À l’UTBM, ses travaux de recherche se sont partagés entre parties expérimentales et caractérisations2 réalisées à l’atelier de l’IRTES-LERMPS, et analyses des résultats, qu’elle effectuait devant son ordinateur, dans son bureau situé à quelques mètres de là. Un mélange des genres qu’elle apprécie d’ailleurs beaucoup. Parce que, analyse-t-elle, « c’est en touchant à la technique que l’on se rend compte de la manière dont fonctionne le procédé et surtout des aléas. Et avant d’arriver sur le marché du travail, un ingénieur doit avoir conscience de ces aléas techniques. »
« En première année, on est super motivé, on veut tout déchirer ! Et la deuxième, c’est le grand vide… Parce que soit ça ne marche pas, soit ce ne sont pas les résultats que l’on attendait. Et un jour, ça se débloque… Le déclic ! »
Après, comme tous les doctorants qui s’essaient à leur premier travail de recherche, Béatrice Vautherin n’a pas échappé à la règle : « En première année, on est super motivé, on veut tout déchirer ! Et la deuxième, c’est le grand vide… Parce que soit ça ne marche pas, soit ce ne sont pas les résultats que l’on attendait. J’ai eu des semaines entières de manip’ durant lesquelles rien ne marchait ! Et un jour, ça se débloque… Le déclic ! Parfois juste en faisant une erreur. Et l’on se rend compte que c’est ça la solution au problème ! »
À l’issue de sa recherche, qu’elle vient de valider en soutenant sa thèse le 16 octobre dernier3, Béatrice Vautherin est plutôt heureuse. « Contrat rempli ! », se réjouit-elle. « Ce n’est évidemment pas parfait, mais j’ai réussi à démontrer que ce procédé présente un potentiel intéressant pour développer des dépôts ultra-résistants. Et même si ces expériences n’ont porté que sur deux matériaux et que tous réagissent différemment, c’est aussi l’ouverture à d’autres champs d’application possibles ». Quand on l’a quittée, Béatrice espérait d’ailleurs « pouvoir apprendre un ou deux petits trucs » aux spécialistes qui allaient constituer son jury de thèse…
Côté jardin – Le mouvement perpétuel
Une passion ? Les sports d’extérieur. Notamment le tennis. J’en ai toujours fait. Taper dans quelque chose me défoule. Je fais aussi du vélo depuis toute petite. Mon père faisait de la compétition de vélo de route, de VTT et de cyclo-cross. Je suis tombée là-dedans ! J’ai fait aussi de la compétition en VTT jusqu’au niveau championnat de France jusqu’à 12-13 ans. Aujourd’hui, je le sors quand il fait beau, le soir, le week-end, dès que j’ai un peu de temps…
« Je n’arrive pas à tenir en place »
Des sports individuels, un peu comme la recherche… Je suis très exigeante, du coup j’évite les sports collectifs, je ne suis pas sûre que cela passerait avec tout le monde ! Quant au choix du vélo, c’est parce que j’adore me balader dans la nature. De toute façon, je n’arrive pas à tenir en place. Et j’aime faire du sport car ça me permet d’évacuer le stress, d’autant que je suis de nature anxieuse. J’en fait au moins 15 heures par semaine !
D’autres centres d’intérêt ? J’aime lire. Les biographies et les romans historiques surtout, comme le Psychiatre et le Nazi. 50 nuances de Grey est mon dernier coup de cœur. J’aime aussi lire des mangas et des BD, cela me détend et me change les idées.
1- Le sujet de sa thèse « Étude de faisabilité de dépôts nitrurés du type TiAlN (Titane aluminium) »
2- Descriptions très précises des résultats
3- Elle a obtenu son doctorat avec la mention très honorable et les félicitations du jury
Crédits
Un article de : Camille PonsCrédits photos : Daniel Nowak