Julien Fizet est un diplômé entrepreneur. Qui n’a pas eu peur de viser un domaine « peu glamour » pour y développer un concept et des produits ingénieux. Secteur : les sanitaires. Produits : des combinés WC lave-mains, les premiers sur le marché français. CA : 230 000 euros. Effectifs : cinq. État d’esprit du créateur : épanoui…
C’est imparable et drôle. Quoi ? L’argument que ce jeune créateur d’entreprise aime brandir à chaque présentation de son entreprise, de ses produits, de son parcours… « Plutôt que de faire de la m…. dans un domaine qui me plaisait [l’automobile, NDLR] mais dans lequel je ne m’épanouissais pas du tout, j’ai décidé de faire des choses qui me plaisaient dans un domaine de m…. ! ». Sauf que Julien Fizet ne fait pas de la m… Il a tout simplement choisi de se positionner dans un secteur où les produits n’évoluaient que très peu et laissaient de la place à l’inventivité, les sanitaires. Et en choisissant de créer sa boîte, d’innover dans ce domaine et de fabriquer ses propres produits, il saisissait ainsi « l’opportunité de partir d’une page blanche, de travailler de leur conception à leur commercialisation, en passant par leur fabrication et leur référencement ». Un challenge excitant et qui allait se révéler payant à tous points de vue.
Diplômé en 2005 en mécanique et conception, Julien Fizet ne se destinait pourtant pas à ça. « Au départ, je visais clairement l’automobile », confie-t-il amusé. « En plus d’être évidemment imprégné par la culture automobile, j’ai réalisé tous mes stages dans le secteur ! Et j’y ai travaillé après mon diplôme chez BMW, EDAG, PSA, Renault… »
Le déclic se fait à l’occasion d’un projet mené post-diplôme avec d’autres étudiants de l’UTBM. Sa nature : concevoir des toilettes universelles qui soient tout autant adaptées aux personnes valides qu’aux personnes à mobilité réduites et répondent à des critères d’ergonomie et de design. Projet en poche, il intègre en 2007-2008 l’incubateur de Franche-Comté. « L’idée me semblait d’autant plus pertinente que c’étaient des produits qui évoluaient extrêmement peu et que la réglementation relative au handicap était dans tous les esprits », explique-t-il. « Il y avait donc matière à proposer de la nouveauté ! » Banco… Il conçoit son premier produit à base de résine de synthèse en lieu et place de la céramique émaillée traditionnelle, y ajoute une tablette avec des poignées, des zones de loisirs, et d’autres d’hygiène pour permettre un nettoyage plus facile, et propose trois déclinaisons possibles.
Du cabinet d’études à la fabrication
Pour autant, son produit reste dans les cartons jusqu’à fin 2009. « Trop d’incertitudes techniques et commerciales », explique-t-il, et pas « de moyens suffisants ». « Il fallait 300 000 euros minimum d’investissement que je n’avais pas forcément ». Avant de se jeter dans la peau du fabricant, Julien Fizet choisit donc de monter d’abord un bureau d’études, « Atelier création JF ». L’élément déclencheur ? La réalisation, pour le compte d’un client parisien, de toilettes avec lave-mains intégré sur le réservoir, inspiré de ce qui se fait au Japon alors que ce type de produit est encore totalement inconnu en France. Résultat, ça plaît et le concept est même présenté sur M6. Julien se lance donc dans la fabrication, en faisant en sorte de proposer des produits qui permettent d’ajouter de nouvelles fonctionnalités aux WC existants et d’éviter de tout changer. Et créé une gamme de WC segmentée comme une gamme d’automobiles : plusieurs modèles, tous « personnalisables à travers des options à tendance esthétique, technique ou confort », avec au final « des milliers de configurations possibles, différents types de robinetterie, d’habillages, de cuvettes, de design… ».
Aujourd’hui, je m’épanouis plus en travaillant sur des produits que j’estime de qualité… Et ça me permet en même temps de me payer de belles voitures car je reste passionné ! »
Bon créneau, bonnes cibles, bonnes évolutions… Le diplômé UTBM réussit à lancer un produit inconnu jusque là en France, à créer de toute pièce dès 2010 une nouvelle « famille » sur le marché français et une nouvelle marque, WiCi Concept, pour laquelle il est connu aujourd’hui, et un réseau de distribution qui cible d’abord les particuliers et les installateurs et non les grands distributeurs. « Si j’avais dû m’appuyer sur les réseaux de distribution existants, je serais mort aujourd’hui ! », s’amuse-t-il. « Car ce sont des réseaux qui attendent que l’on fasse ses preuves. » Aujourd’hui, cette stratégie qui l’a fait connaître lui permet de s’adresser aussi à des grands distributeurs et de se tourner vers les constructeurs de maisons individuelles et les offices d’habitation.
La petite boîte qui monte…
Pour les produits, on vous laissera consulter son site, www.wici-concept.com. Car c’est le diplômé entrepreneur qui nous intéresse ici. Celui qui a perçu « l’idée ingénieuse » sur laquelle il fallait se lancer et qui « correspondait à un véritable besoin du marché ».
Aujourd’hui, le capital de la société se chiffre à 55 000 euros contre 36 000 au départ. Chaque année les ventes sont multipliées par 2. Ventes réalisées principalement en Île-de-France mais également à l’international, notamment en Belgique, en Suisse, en Allemagne ou encore en Autriche. Le champ s’élargit progressivement, y compris outre-Atlantique puisque WiCi Concept vient de réaliser une vente à San Francisco. Ce développement a poussé le créateur à investir dans de nouveaux locaux à Étupes, troquant 250m2 contre 500 aujourd’hui. Aujourd’hui, sa stratégie de développement passe essentiellement par le web, parce que c’est « un outil puissant et rentable », argumente le créateur. La dernière recrue, qui a fait passer la société à cinq personnes dont un stagiaire UTBM, est d’ailleurs en charge des sites de la marque.
Quand on lui demande s’il regrette parfois ce choix d’orientation, Julien Fizet n’hésite pas un instant. « Je n’ai pas apprécié la manière de travailler dans la grosse industrie automobile ! Aujourd’hui, je m’épanouis plus en travaillant sur des produits que j’estime de qualité, en partant de la page blanche jusqu’au suivi après-vente. Et ça me permet en même temps de me payer de belles voitures car je reste passionné ! »
En savoir plus :
Atelier Création JF : www.ateliercreationjf.com
WiCi Concept : www.wici-concept.com
Crédits
Un article de Camille PonsCrédits photos : Atelier Création JF