UTBM : Ghislain Montavon, nouveau directeur, se donne « 6 mois au moins » pour bâtir un nouveau « pacte » avec la communauté

Avec l’aimable autorisation de l’AEF
Dépêche rédigée par Alexandra Caccivio
« Il ne s’agit pas de défaire ce qui a été fait. Les décisions qui ont été prises ont été validées par le CA. Elles engagent l’UTBM. Mais, dans ce processus de transformation, si l’objectif est important, le chemin pour atteindre cet objectif l’est tout autant. » C’est ce qu’explique Ghislain ghislain-montavon
Montavon, le nouveau directeur de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard, qui entend restaurer le dialogue, en interne, pour lever les craintes liées notamment à la création de la Comue. Dès cet automne, il constituera des groupes de travail, que chacun pourra rejoindre comme il le souhaite. En février, des assises permettront d’en faire la synthèse, pour présenter au CA les propositions qui auront émergé. Avec les UT, Ghislain Montavon estime par ailleurs que l’UTBM doit aller plus loin: « Il ne faut avoir aucun tabou au départ » et étudier toutes les hypothèses.

AEF : La désignation d’un directeur issu du sérail constitue une première dans l’histoire de l’UTBM. Le ministère était d’ailleurs a priori plutôt réservé. Quels sont les avantages que vous avez fait valoir auprès du CA qui a proposé votre nom ?
Ghislain Montavon : La pertinence de nommer un directeur issu de l’interne constitue une vraie question : cela présente des avantages mais également des inconvénients avérés. Parmi les avantages que j’ai fait valoir, il y a la connaissance de la situation, de l’histoire de l’établissement, de ses acteurs et de la plupart des acteurs de la Comue. Cela signifie que je peux être immédiatement opérationnel. C’est important parce que, pour construire la Comue – et les établissements ont, en la matière, une obligation de résultat au regard du territoire notamment –, il y a un calendrier serré à tenir. À titre d’exemple, le premier appel à projets isite est publié et les projets doivent être déposés dès cet automne.
À l’inverse, parce que je suis issu de l’UTBM, je ne fais pas nécessairement l’unanimité. Je n’ai pas cherché, au passage, à la faire parce qu’il aurait été malhonnête de faire des promesses inconsidérées. Cela dit, aucun candidat ne fait l’unanimité, qu’il soit interne ou
externe à l’établissement. Ce n’est donc pas, à mes yeux au moins, un réel inconvénient. Les présidents d’université, d’ailleurs, sont pour l’immense majorité issus de leur établissement.

AEF : Quels sont les sujets sensibles qui demandent ce débat interne que vous avez initié ?
Ghislain Montavon : Nous avons d’abord eu l’épisode UTF (université de technologie de France) qui a laissé, non pas un traumatisme, le terme serait excessif, mais des questionnements (lire sur AEF). Puis nous avons basculé dans la Comue. Le projet que j’ai porté vise à travailler collectivement sur ce positionnement avec l’objectif de lever les craintes qui sont apparues. Aux doutes, il faut apporter des engagements, aux incertitudes d’autres éclairages pour enrichir la réflexion.
Il ne s’agit pas de défaire ce qui a été fait. Les décisions qui ont été prises ont été validées par le CA. Elles engagent l’UTBM. Mais, dans ce processus de transformation, si l’objectif est important, le chemin pour atteindre cet objectif l’est tout autant. Je crois à l’intelligence collective, si elle n’est pas un artifice. Cela demande de prendre le temps pour lever les freins au changement. C’est un travail de 6 mois au moins, au travers de groupes de travail inclusifs, que tout un chacun peut rejoindre à tout moment, sans avoir à se justifier par exemple de ne pas l’avoir fait plus tôt. Les premières réunions auront lieu avant fin septembre.

AEF : Comment, après cette concertation des personnels, allez-vous prendre lesdécisions et avec quelle équipe autour de vous ?
Ghislain Montavon : D’ici à la semaine prochaine, je vais recomposer l’équipe des 4 directeurs fonctionnels, non pas que l’ancienne équipe n’ait pas travaillé ou mal travaillé. De très lourds dossiers ont été conduits avec succès, comme l’isite ou la CTI, qui vient d’habiliter les neuf spécialités d’ingénieur de l’UTBM pour une durée de 6 ans. Mais une nouvelle équipe de direction me semble légitime pour déployer le projet.
Au fur et à mesure des consultations, nous informerons le CA, qui est le seul décisionnaire in fine, des orientations proposées. Je souhaite ensuite organiser en février les « assises » de l’UTBM. Cet événement permettra, pendant 2 ou 3 jours, de partager le fruit des réflexions, d’écrire notre « pacte » et d’en faire la proposition au CA.
AEF : L’UTBM apparaît difficile à piloter en raison, notamment, de son éclatement géographique. Comment voyez-vous les choses à l’avenir ?
Ghislain Montavon : Cette segmentation, fruit de l’histoire, est un des autres points qui expliquent des tensions internes. L’UTBM est un établissement qui a connu une croissance rapide puisque nous sommes passés de 1 400 étudiants en 1999 à 3 000 aujourd’hui, avec 9 spécialités dispensées dans différents départements d’enseignement (voir encadré). Un travail, en interne, est nécessaire pour réarticuler cet ensemble et développer plus de transversalité. Il faut le faire sans tabou, avec toute la communauté. Une orientation possible, mais qui demande à être confirmée, est de structurer l’établissement en trois pôles, qui regroupent à la fois les formations et la recherche autour d’une plateforme thématique ouverte aux partenaires. Cela permettrait d’amplifier nos relations, en premier lieu avec les entreprises (les clusters, les pôles de compétitivité, les grands comptes), dans une logique partenariale.

9 spécialités dans 3 implantations

  • à Belfort : informatique, management des systèmes industriels, énergie ;
  • à Sévenans : génie mécanique et conception auxquels s’ajoute le département
  • des humanités qui est transversal et le département « tronc commun »
  • à Montbéliard : ergonomie, design et ingénierie mécanique.

 

AEF : « Il ne s’agit pas de défaire ce qui a été fait », avez-vous dit. Comment voyez- vous donc votre place dans la Comue ?
Ghislain Montavon : L’UTBM doit y prendre sa place comme UT, c’est-à-dire à la fois comme université et comme école d’ingénieur. Elle peut, dans la Comue, être un établissement passerelle, entre les deux universités conventionnelles et les écoles d’ingénieur. Elle peut être cette interface entre deux modèles d’établissements. Peut-être pouvons-nous assumer par ailleurs un leadership sur le domaine de l’ingénierie et de la technologie. Le leadership ne se décrète pas, bien sûr, il s’acquiert par le travail, l’exemple, la capacité à articuler les différentes sphères. […] Tous les établissements ont des identités singulières qui font leurs forces. À ce titre, l’ADN et les valeurs des UT, c’est quelque chose sur lequel la Comue pourrait capitaliser, de la même manière qu’elle peut capitaliser sur ce qui fait la force des autres établissements.

AEF : Comment voyez-vous dans le même temps votre place auprès des deux autres UT ?
Ghislain Montavon :
Si nous projetons l’UTBM comme UT au sein de la Comue, au bénéfice de la Comue, avec ce rôle d’établissement passerelle, nous devons également rester ancrés dans le groupe UT. Du groupe UT, nous tirons notre modèle (pédagogique, technologique), qui est cependant moins différenciant que par le passé. L’enseignement des SHS à un public d’ingénieurs, par exemple, n’a jamais été conçu ni perçu, au sein des UT, soit comme un vernis de culture générale soit comme un supplément d’âme. Il est consubstantiel à la formation de l’ingénieur technologue, de l’ingénieur humaniste, qui croise des dimensions techniques et des questions de société ou d’environnement. Cette approche, si elle était un élément discriminant au siècle dernier, a perdu sa singularité parce que beaucoup d’écoles se la sont appropriée. Cela montre au passage toute la pertinence de notre modèle. Parce que les UT ont ainsi peu à peu perdu de leur singularité, et parce que le métier d’ingénieur a fortement évolué, il y a nécessité, je le crois, de revisiter le modèle et les valeurs, au sein du groupe UT, pour éventuellement le rénover.

 
AEF : Mais au-delà, alors que l’UTT et l’UTC évoquent un projet fusionnel, envisagez-vous d’aller plus loin avec ces deux partenaires ?
Ghislain Montavon : Oui. Comue et UT : pour moi, les deux sont complémentaires, ils ne sont pas antinomiques. J’ai déjà échangé avec les directeurs des deux UT. Il faut maintenant essayer de se redonner une perspective qui soit commune, réalisable, jalonnée. Il ne faut avoir aucun tabou au départ. Nous sommes des scientifiques. Nous avons l’habitude de formuler des hypothèses, de déployer le raisonnement jusqu’au bout, de jauger les avantages et les inconvénients, pour avoir une prise de décision en conscience. C’est en ce sens que je n’ai aucun tabou. J’ai, en revanche, des exigences. L’UTBM, notamment, doit rester ancrée sur son territoire. Toute solution qui conduirait à sa mise hors sol me mettrait en situation d’inconfort. Il est là, l’enjeu : articuler l’ancrage territorial avec la logique UT. Faisons preuve d’imagination et d’audace.

AEF : Le rapport de la Cour des comptes soulevait la nécessité de modifier la composition du CA de l’UTBM – parce qu’il « a tendance à outrepasser ses fonctions, ce qui met en difficulté le directeur ». Les tentatives pour le faire, par le passé, n’ont pas abouti. Est-ce un chantier que vous allez relancer ?
Ghislain Montavon : Ça n’a pas été fait parce que les esprits avaient besoin de maturer. Mon souhait serait d’ouvrir le CA à deux membres supplémentaires, qui seraient des personnalités scientifiques extérieures (à la Comue et aux UT). […] Nous avions également ouvert le débat sur la création d’un conseil académique. Nous sommes une université sous statut dérogatoire : soit nous passons à un CAC, soit nous restons CS- CFVU, avec des missions redéfinies. Le projet de réarticulation, au sein de l’UTBM, serait en phase avec la logique d’un passage au CAC. Cela dit, les discussions doivent se poursuivre.

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